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Dr Catherine Malaval, historienne des territoires stratégiques identitaires des entreprises

Qu’elles soient très anciennes ou très récentes, les entreprises ont besoin de savoir :
– d’où elles viennent,
– qui elles sont,
– vers quoi elles vont,
– comment elles peuvent entrer en interaction avec la société…
Dr Catherine Malaval est spécialiste de la question. Elle travaille sur l’expression et la valorisation des « territoires stratégiques identitaires » des organisations auprès de tous leurs publics. Pour cela, elle aide ses clients à mieux connaître leur identité historique dans le but de préparer une stratégie et l’accompagner. Cela passe par :
– des grands récits,
– la création d’images et de signes emblématiques,
– l’identification et la scénarisation de preuves,
– de la formation au langage de la marque,
– la rédaction de contenus,
– le pilotage et le déploiement de plans de communication tous médias.
Et cela se fait à travers l’utilisation de différents supports et dispositifs éditoriaux : presse, web, photographie, vidéos, réseaux sociaux…
C’est un travail stratégique d’équilibriste, alors comment Dr Catherine Malaval s’est lancée dans cette aventure ? Passionnée par la communication, elle a abordé cet objet pendant ses études sous trois angles :
– le journalisme à l’Ecole supérieure de journalisme de Paris entre 1987 et 1989,
– l’histoire entre 1989 et 1990 avec une maîtrise à l’Université Paris VII (un mémoire sur « La bienfaisance dans la presse française avant la révolution »)
– et la sociologie (avec une option information et communication) la même année et dans la même université.
Sa préférence va pour l’angle historico-économique. Sous la direction de Patrick Fridenson et de Michelle Perrot, elle fait donc un DEA d’histoire économique (toujours à l’Université Paris VII et entre 1990 et 1991) intitulé « La presse d’entreprise de Renault », publié en 1992 chez Cliomedia : « Renault à la une: La presse d’entreprise Renault depuis 1945 » grâce au financement de la Société d’histoire du Groupe Renault.
C’est sur cette thématique (mais en élargissant l’objet) et dans cette discipline (plus précisément, l’histoire spécialisé en science des organisations) qu’elle réalise, entre 1992 et 1999, à l’EHESS, et sous la direction de Patrick Fridenson, une thèse intitulée « De la tour d’ivoire à la maison de verre, histoire et identité de la presse des entreprises françaises, de la fin du XIXe siècle aux années 1970 » publiée aux éditions Belin en septembre 2001 sous le titre « La presse d’entreprise française au XXe siècle. Histoire d’un pouvoir ».
Il est possible de se faire une idée de son contenu à travers l’article « La presse d’entreprise, une mémoire de l’entreprise » publié dans la revue Communication et organisation en 1995.
En parallèle à sa thèse et en lien avec celle-ci (entre 1991 et 1996), Dr Catherine Malaval écrit en free lance des livres d’histoires sur L’Alsacienne, Caisse Centrale des Banques Populaires, Crédit Mutuel du Nord, EDF, Les Pates d’Alsace, Renault, Zodiac… publiés chez Cliomedia et Vetter éditions.
Avant la soutenance de sa thèse et grâce à son activité éditoriale prolifique, elle se fait recruter par l’agence de communication Creapress, fondée en 1985 par François Blanc, où elle crée et dirige le département Editions entre 1997 et 2005. Lorsque Creapress se fait racheter en 2002 par BBDO Corporate qui appartient à Omnicom Group, premier groupe de communication au monde, elle développe les éditions corporate de BBDO Corporate. En 2005, Eric Zajdermann, président de l’agence de communication corporate Strateus lui confie la structuration et le développement du pôle communication écrite. Après la fusion avec Lowe, en 2009, elle devient directrice générale de l’agence, en charge de Lowe Editorial, et développe les activités de contenus, écrits, visuels et audiovisuels. En 2010, elle devient Directrice générale de M&C Saatchi.Editorial et associée de M&C Saatchi.Corporate (l’agence anglaise célèbre qui avait mis au pouvoir Margaret Thatcher en 1979 !). Elle quitte ce poste en 2014 pour devenir consultante indépendante. Elle travaille aujourd’hui pour les Editions Tallandier où elle est conseiller littéraire notamment sur tous les sujets qui concernent les entreprises et les organisations. Dr Catherine Malaval tient à signaler aux lecteurs de Doctrix que Tallandier développe un département de sciences humaines et sociales !
Pour son travail pour des clients variés, elle a obtenu de très nombreux prix et récompenses. Renvoyons un à réseau social professionnel « bien connu » pour plus de précisions.
En plus des ouvrages liés à son DEA (sur Renault) et son doctorat (sur la presse d’entreprise) et ses activités professionnelles d’édition, elle a publié un ouvrage sur La Poste intitulé La Poste au pied de la lettre. Six ans d’enquête sur les mutations du courrier (Fayard, Paris, janvier 2010) et, plus tard une tribune intitulée « La Poste a un grand avenir, si elle le veut » (Slate, décembre 2013). Dr Catherine Malaval, qui a pu observer les vastes changements en cours, notamment le fait que dû aux NTIC, la « sacoche du facteur est en train de se vider ».
Notons d’ailleurs au passage que La Poste est une entreprise qui aime particulièrement les docteurs, et notamment les docteurs en histoire puisque ce groupe a permis à Doctrix d’interviewer Dr Sebastien Richez et Dr Patrick Marchand.
Dr Catherine Malaval a aussi publié un ouvrage plus polémique : La Bêtise économique (Perrin, juin 2008) dont nous avons déjà parlé, puisqu’en 2013 nous avions interviewé Dr Robert Zarader, co-auteur de l’ouvrage interdisciplinaire (Dr Catherine Malaval pour l’histoire, Dr Robert Zarader pour l’économie et la politique) qui a co-animé avec elle jusqu’en 2012 un blog issu de l’ouvrage. Comment ne pas recommander à l’avenir de telles associations de chercheurs pour :
– décrypter les problématiques actuelles,
– formuler des hypothèses innovantes,
– critiquer les sources d’informations,
– interpréter les faits,
– confronter des points de vue,
– et ainsi éclairer utilement le présent.
En 2008, ils publient aussi Du storytelling au « sorry-telling » aux éditions Communication sensible où ils inventent le concept de sorry telling.
La formation de chercheur de Dr Robert Zarader et Dr Catherine Malaval les pousse à plaider pour davantage d’analyse, d’objectivité, de contextualisation, d’auto-critique et de déontologie de la part :
– des médias et de leur audience (dont Dr Robert Zarader et Dr Catherine Malaval saluent la « maturité » le travail participatif et critique dans les commentaires d’article ou sur des blogs par exemple),
– des entreprises et des salariés,
– ou encore des économistes et des communicants.
L’objectif est de ne pas :
– se laisser avaler par les « événements » et « affaires »,
– étourdir par le « bruit médiatique »,
– assourdir par les effets de saturation communicationnels,
– étouffer par le story telling,
– illusionner par la désinformation virale,
– impressionner par l’audimat,
– pervertir par l’opinion, la croyance, les pulsions et l’émotion…
En mars 2014, et à partir de nouvelles recherches, Dr Catherine Malaval publie « On a toujours 20 ans » dans le n°39 « Générations » de la revue Medium (ex-Cahiers de médiologie) de Régis Debray où elle contribue à une réflexion épistémologique sur ce qu’est la contemporanéité, l’historiographie, et surtout la « génération ».
Mais l’article de Dr Catherine Malaval qui intéresse le plus Doctrix date de juillet 2010. Il est intitulé « Crises et entreprises°: toute une histoire°! » et provient du volume 19 du Magazine de la communication de crise et sensible (Communication sensible).
Dr Catherine Malaval débute son article en citant le film d’Alain Resnais « On connaît la chanson » avec la fameuse réplique sur la thèse portant « Les chevaliers paysans de l’an Mil au lac de Paladru » qui ne semble porter sur rien et qui n’intéresse personne. Dr Catherine Malaval pose donc la question de l’utilité de l’histoire et des sciences humaines pour la société, et plus précisément de l’histoire du « temps présent » (dont la reconnaissance universitaire est récente) pour les entreprises. Alors même que la revue Entreprise et Histoire a été créée en 1992 et que le militantisme et talent (trop exceptionnel selon Dr Catherine Malaval) de feu Dr Jacques Marseille et d’autres ont pu montrer l’intérêt et l’utilité de l’histoire des entreprises pour elles-mêmes.
Selon elle, les sciences humaines et sociales n’intéresseraient les entreprises que de façon temporaire, événementielle (à Davos, à la cité de la Réussite, dans les amphis de la Sorbonne…), intéressée, profitable, utilitariste, purement positive, festive, cérémonielle, commémorative, publicitaire… On peut notamment le voir à travers l’utilisation des concepts désormais traditionnels de gouvernance, éthique, développement responsable, responsabilité sociale… Dr Catherine Malaval y ajoute les notions de réputation, modèle, gènes, repères, image, valeurs. Mais, selon elle, il s’agit trop souvent de « faire l’inventaire des belles choses », cacher « leurs secrets de famille », les « moments sombres » (collaboration, colonisation, échecs commerciaux, accidents industriels…) et non d’« « autopsier°» le présent (celui qui voit par soi-même), selon le projet de Thucydide et des premiers historiens ».
Selon Dr Catherine Malaval, l’histoire peut être utile selon diverses modalités dans :
– le temps présent de la stratégie et du management des entreprises,
– la connaissance experte des cycles de croissance,
– la définition des valeurs qui fondent la réputation d’une entreprise,
– la prise de décision,
– l’analyse des risques,
– le décryptage des mutations d’un environnement…
Dr Catherine Malaval peut s’appuyer sur l’exemple de l’affaire Lu-Danone qu’elle a véritablement radiographiée avec Dr Robert Zarader dans « L’affaire LU°: autopsie d’une crise d’un nouveau type » publié en juin 2007 chez Communication sensible. Cette affaire a eu des effets retentissant. Selon Dr Robert Zarader et Dr Catherine Malaval, elle a aboutit à :
– la création d’un nouveau mode relationnel entre l’opinion et l’entreprise,
– une nouvelle place de l’entreprise dans la société,
– l’augmentation des obligations et des responsabilités des entreprises : économiques, sociales, éthiques, communicationnelles…
Ils en concluent que la complexité de ce type de cas rend utile et même nécessaire l’utilisation, donc le recrutement, de profils de docteurs en philosophie, économie, sociologie, science politique, communication… car ces derniers sont susceptibles de rendre compte des faits, de les analyser, de les critiquer, de les contextualiser, de trouver des solutions innovantes. A bon entendeur !

Pour une version plus détaillée de cet article, c’est ici.


Les Verts et le doctorat

Dr Marc Lipinski et Dr Laurent Audouin planchaient ce soir à l’EHESS sur le programme des Verts pour l’ESR. Entendez l’Enseignement supérieur et la Recherche. S’ils sont élus en mai, outre le lancement d’Etats généraux de l’ESR à l’été 2012, ils créeront 5 000 postes statutaires de chercheurs par an pour résorber petit à petit les 30 à 40 000 chercheurs en CDD,  ils supprimeront les classes prépa, ils transformeront l’ANR (Agence nationale de la recherche) en une agence d’attribution de fonds pour lancer des sujets de recherche préalablement débattus directement avec les citoyens, ils réformeront le crédit d’impôt recherche, ils veilleront à ce que 1% du PIB soit attribué au financement de la recherche civile…

Concernant « notre » sujet, le doctorat, Laurent Audouin a déclaré : « il faut beaucoup plus de docteurs dans ce pays et mieux les reconnaître ». Bon point! Comment? « Par une reconnaissance du doctorat dans la haute fonction publique et dans le privé ». C’est-à-dire? « Une reconnaissance dans les conventions collectives qui passera par un dialogue avec les représentants du monde économique » a ajouté Marc Lipinski. Il y a quatre ans, Valérie Pécresse alors ministre de l’ESR tenait à peu près le même discours sur ce sujet-là (voir l’article sur ce blog). Mais ses promesses n’ont jamais été tenues. Nous veillerons !

Retrouvez les débats in extenso sur le blog Politiques des sciences